Suppression du poste de premier ministre: Les conséquences du point de vue législatif et réglementaire.La suppression du poste de premier ministre n’est pas une affaire entre un Président de la république et son premier ministre, encore moins entre Boun ABDALLAH Dionne et Macky Sall. Il s’agit d’une réforme substantielle de la constitution qui va toucher au régime politique de notre pays et au principe d’équilibre des pouvoirs consacré dans le préambule de notre charte fondamentale.
Cette réforme va concerner 21 articles et imposera un toilettage de la constitution pour enlever les 30 fois où la fonction de premier ministre a été évoquée.
Il faut, tout d’abord, noter cette incongruité qui consiste à faire du premier ministre, le secrétaire général de la présidence.
L’article 6 de la constitution cite les institutions de la république. Et parmi ces institutions nous avons le Président de la république et le gouvernement.
C’est une chose inédite qu’une même personne puisse être chef d’une institution et rattachée à une autre institution.. C’est un cumul indécent du point de vue républicain. Boun ABDALLAH Dionne est rattaché au Président de la république en sa qualité de secrétaire général de la présidence et il est en même temps chef du gouvernement.
En outre, nous avons l’impression que pour beaucoup d’observateurs, le premier ministre ne dépend que du Président de la république qui peut en faire ce qu’il veut. D’où les réactions parfois simplistes qui reconnaissent au Président de la république le droit de faire disparaître et de faire réapparaître son collaborateur comme bon lui semble.
Contrairement à ce que beaucoup avancent le premier ministre a des prérogatives et des responsabilités qui sortent du domaine du Président de la république. Et cet état de fait sera beaucoup plus visible en cas de cohabitation. D’ailleurs c’est à se demander si le Président Macky Sall n’est pas en train de prendre les devants sur une éventuelle cohabitation. Et se prémunir ainsi d’un contre pouvoir capable d’impulser des changements en dehors de ses propres schémas.
Même si le premier ministre est nommé par le Président de la République et exécute la politique déterminée par ce dernier, il a des prérogatives lui permettant d’intervenir dans le domaine législatif et d’imposer un certain bicephalisme au sein de l’exécutif avec prédominance du chef de l’Etat.
Le premier ministre est aussi bien responsable devant le Président de la République que devant l’Assemblée nationale et assure un certain rôle pour l’équilibre des pouvoirs entre l’exécutif et le législatif.
Dans la Loi constitutionnelle n° 2016-10 du 05 avril 2016, portant réforme de la constitution et adoptée par référendum, ce rôle a été renforcé et permet à l’Assemblée nationale de mieux contrôler les actions du gouvernement et de pouvoir jouer sur l’équilibre des pouvoirs.
Ainsi, les dispositions de cette réforme permet à l’assemblée nationale et à ses commissions d’entendre le premier ministre à tout moment.
En outre, le premier ministre et les autres membres du gouvernement doivent également se présenter à l’Assemblée nationale pour répondre aux questions d’actualité des députés.
Le premier ministre peut aussi, après délibération en Conseil des ministres, décider de poser la question de confiance sur un programme ou une déclaration de politique générale.
Il peut, dans les mêmes formes, engager la responsabilité du gouvernement devant l’Assemblée nationale sur le vote d’un projet de loi de finances.
Le Premier ministre peut provoquer une session extraordinaire de l’Assemblée nationale.
Il a le droit d’amendement et peut provoquer, de droit, l’inscription par priorité à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale d’un projet ou d’une proposition de loi ou d’une déclaration de politique générale.
Il doit faire une déclaration de politique générale suivie de débat qui peut, à sa demande, donner lieu à un vote de confiance.
A son tour, L’Assemblée nationale peut provoquer la démission du gouvernement avec à sa tête le premier ministre, par le vote d’une motion de censure ou à travers le refus de confiance.
Malgré le fait qu’il soit nommé par le Président de la république, le Premier ministre a également des pouvoirs au sein de l’exécutif.
Il a la possibilité de contresigner certains actes du Président de la république.
Il dispose de l’administration et nomme à des emplois civils déterminés par la loi.
Il assure l’exécution des lois et dispose d’un certain pouvoir réglementaire.
Il a la possibilité de déléguer certains de ses pouvoirs aux ministres…
Aujourd’hui, la suppression du poste de premier ministre risque de laisser place à une centralisation excessive et étouffante du pourvoir. Ce qui favorisera un présidentialisme fort sans réel contre pouvoir.
Rien n’explique, pour un dernier mandat que le Président Macky Sall puisse avoir le même réflexe que par exemple, le président Leopold Sédar senghor en 1963 qui avait décidé de renforcer ses pouvoirs pour mieux aborder ses futurs mandats dans un contexte de parti unique. Encore que le président Macky Sall qui envisage de saisir l’assemblée nationale à travers sa majorité mécanique risque de ne pas être au même niveau de conscience démocratique que le Président Senghor qui avait décidé, pour une réforme aussi importante, de saisir le peuple à travers un référendum.
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